— Le récit de l’évaluation — Le vénérable Moggallana énumère les caractéristiques qui rendent un bhikkhou difficile à admonester et enseigne comment il faudrait s'examiner soi-même pour éliminer les défauts de son caractère. Ainsi ai-je entendu. En ce temps-là le vénérable Moggallâna le Grand séjournait chez les Bhaggas, près de Suṁsumâragira dans le parc aux daims du bois Bhésakalâ. Là, il s’adressa aux moines : —Moines, mes amis. —Mon ami, lui répondirent les moines. Et le vénérable Moggallâna le Grand leur dit ceci : —Si, mes amis, un moine sollicite les instructions des vénérables et prétend mériter leur enseignement, mais qu’il est indocile et possède les défauts qui causent l’indocilité, que de plus il manque de patience et prend l’enseignement en mauvaise part, ses compagnons dans la vie sainte n’estimeront pas devoir l’instruire, ne le jugeront pas digne de l’enseignement et ne penseront pas pouvoir lui faire confiance. Quelles sont, mes amis, les causes d’indocilité ? Ici, mes amis, le moine a de mauvais désirs et il est dominé par eux. Le fait qu’il ait de mauvais désirs et soit dominé par eux est une cause d’indocilité. Ou bien, mes amis, ce moine se vante et dénigre autrui. Ce fait… est une cause d’indocilité. Ou bien, mes amis, ce moine se met en colère et il est dominé par la colère. Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine se met en colère et, suite à sa colère, il éprouve du ressentiment. Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine se met en colère et, suite à sa colère, il nourrit de la rancune. Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine se met en colère et prononce des paroles pleines de colère. Ce fait… Ou bien, mes amis, quand on le réprimande, ce moine refuse le reproche. Ce fait… Ou bien, mes amis, quand on le réprimande, ce moine réplique (à l’instructeur en l’accusant de faire de même). Ce fait… Ou bien, mes amis, quand on le réprimande, ce moine reproche (à l’instructeur) de faire encore pire. Ce fait… Ou bien, mes amis, quand on le réprimande, ce moine chicane, détourne la conversation, manifeste de l’irritation, de l’aversion et de la défiance. Ce fait… Ou bien, mes amis, quand on le réprimande, ce moine ne comprend pas la situation. Ce fait… « Ou bien, mes amis, ce moine est ingrat et se pose en rival (de celui qui l’instruit). Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine est jaloux et refuse de partager. Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine simule (des qualités qu’il n’a pas) et dissimule (ses défauts). Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine s’obstine et se surestime. Ce fait… Ou bien, mes amis, ce moine s’attache à ce qu’il voit, est possessif et ne lâche pas facilement prise. S’attacher à ce qu’on voit, être possessif et ne pas lâcher prise facilement sont des causes d’indocilité. Voilà, mes amis quelles sont les causes d’indocilité. « Si au contraire, mes amis, le moine qui sollicite les instructions des vénérables et prétend mériter leur enseignement est docile et possède les qualités qui causent la docilité, que de plus il est patient et reçoit l’enseignement en bonne part, ses compagnons dans la vie sainte estimeront devoir l’instruire, le jugeront digne de l’enseignement et penseront pouvoir lui faire confiance. Quelles sont, mes amis, les causes de docilité ? Ici, mes amis, le moine n’a pas de mauvais désirs et n’est pas dominé par de mauvais désirs. Le fait qu’il n’ait pas de mauvais désirs et ne soit pas dominé par de mauvais désirs est une cause de docilité. De plus, mes amis, ce moine ne se vante pas et ne dénigre pas autrui… il ne se met pas en colère et ne se laisse pas dominer par la colère… il ne se met pas en colère et ne nourrit pas de ressentiment suite à sa colère… il ne se met pas en colère et ne nourrit pas de rancune suite à sa colère… il ne se met pas en colère et ne prononce pas des paroles pleines de colère… Quand on le réprimande, ce moine accepte le reproche… il ne réplique pas… il ne réplique pas en formulant un reproche plus grave… il ne chicane pas, ne détourne pas la conversation, ne manifeste pas d’irritation, d’aversion ni de méfiance… il comprend la situation… il n’est pas ingrat et ne se pose pas en rival… il n’est pas jaloux et ne refuse pas de partager… il ne simule pas et ne dissimule pas… il ne s’obstine pas et ne se surestime pas… il ne s’attache pas à ce qu’il voit, n’est pas possessif et lâche prise facilement. Le fait de ne pas s’attacher à ce qu’on voit, de ne pas être possessif et de lâcher prise facilement est une cause de docilité. Voilà, mes amis, quelles sont les causes de lucidité. « Sur tous ces points, mes amis, le moine doit s’évaluer sous l’angle d’autrui : “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui a de mauvais désirs et que dominent les mauvais désirs. Si j’ai de mauvais désirs et que ces mauvais désirs me dominent, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres”. Le moine qui comprend cela doit décider de ne plus avoir de mauvais désirs et de ne plus se laisser dominer par de mauvais désirs. “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui se vante et qui dénigre autrui. Si je me vante et dénigre autrui, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui se met en colère et que la colère domine. Si je suis en colère et que la colère me domine, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui se met en colère et qui nourrit un ressentiment suite à sa colère. Si je me mets en colère et si je nourris un ressentiment suite à ma colère, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui se met en colère et qui nourrit une rancune suite à sa colère. Si je me mets en colère et si je nourris de la rancune suite à ma colère, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui se met en colère et qui prononce des paroles pleines de colère. Si je me mets en colère et si je prononce des paroles pleines de colère, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui refuse le reproche qu’on lui adresse quand on le réprimande. Si je refuse le reproche qu’on m’adressera quand on me réprimandera, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui réplique quand on le réprimande. Si je réplique quand on me réprimandera, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui chicane, qui dévie la conversation et qui manifeste de l’irritation, de l’aversion ou de la défiance quand on le réprimande. Si je chicane, si je détourne la conversation, si je manifeste de l’irritation, de l’aversion ou de la défiance quand on me réprimandera, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui ne comprend pas la situation quand on le réprimande. Si je ne comprends pas la situation quand on me réprimandera, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui est ingrat et se pose en rival. Si je suis ingrat et me pose en rival, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui est jaloux et refuse de partager. Si je suis jaloux et si je refuse de partager, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres"… “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui simule et qui dissimule. Si je simule et dissimule, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres”. “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui est obstiné et se surestime. Si je m’obstine et me surestime, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres”. “Je trouve désagréable et déplaisant l’individu qui s’attache à ce qu’il voit, est possessif et ne lâche pas prise facilement. Si je m’attache à ce que je vois, si je suis possessif et ne lâche pas prise facilement, je paraîtrai désagréable et déplaisant aux autres”. Le moine qui comprend tout cela doit décider de ne plus s’attacher à ce qu’il voit, de ne plus être possessif et de lâcher prise facilement. « De plus, mes amis, le moine doit examiner par lui-même s’il a de mauvais désirs et s’il est dominé par de mauvais désirs. Si cet examen lui révèle qu’il a de mauvais désirs et qu’il est dominé par de mauvais désirs, il doit s’efforcer d’éliminer ces mauvaises choses. Mais si cet examen lui révèle qu’il n’a pas de mauvais désirs et qu’il n’est pas dominé par de mauvais désirs, il peut bénéficier d’un ravissement joyeux en s’exerçant jour et nuit aux états bénéfiques. De plus, mes amis, le moine doit examiner s’il se vante ou s’il dénigre autrui… s’il se met en colère et s’il est dominé par la colère… s’il se met en colère et s’il nourrit un ressentiment suite à cette colère… s’il se met en colère et s’il nourrit de la rancune suite à cette colère… s’il se met en colère et prononce des paroles pleines de colère… s’il refuse le reproche quand on le réprimande… s’il réplique quand on le réprimande… s’il réplique en formulant un reproche plus grave quand on le réprimande… s’il chicane, s’il détourne la conversation et manifeste de l’irritation, de l’aversion ou de la méfiance quand on le réprimande… s’il comprend la situation quand on le réprimande… s’il est ingrat et se pose en rival… s’il est jaloux et refuse de partager… s’il simule et dissimule… s’il s’obstine et se surestime… s’il s’attache à ce qu’il voit, s’il est possessif et ne lâche pas prise facilement. Si cet examen lui révèle qu’il s’attache à ce qu’il voit, qu’il est possessif et ne lâche pas prise facilement, il doit s’efforcer d’éliminer ces mauvaises choses pernicieuses. Mais si cet examen lui révèle qu’il ne s’attache pas à ce qu’il voit, qu’il n’est pas possessif et qu’il lâche prise facilement, il peut bénéficier d’un ravissement joyeux en s’exerçant jour et nuit aux états bénéfiques. « Si, mes amis, au cours de cet examen le moine observe attentivement en lui-même que de mauvais agents pernicieux n’ont pas été éliminés, il doit s’efforcer de les éliminer. Mais si au cours de cet examen il observe attentivement en lui-même que tous les agents pernicieux ont été éliminés, il peut bénéficier d’un ravissement joyeux en s’exerçant jour et nuit aux états bénéfiques. Lorsque, mes amis, une jeune fille ou un jeune homme orné de bijoux contemple son visage dans un miroir bien poli et bien nettoyé, ou dans un bol rempli d’une eau bien pure, s’il y voit une tache ou une souillure, il s’efforce de l’éliminer. Mais s’il n’y voit ni tache ni souillure, il en est satisfait : “Excellent ! je suis tout à fait propre !” De la même façon, mes amis, si au cours de l’examen le moine observe attentivement en lui-même que de mauvais agents pernicieux n’ont pas été éliminés, il doit s’efforcer de tous les éliminer. Mais si au cours de cet examen il observe attentivement en lui-même que tous les mauvais agents pernicieux ont été éliminés, il peut bénéficier d’un ravissement joyeux en s’exerçant jour et nuit aux états bénéfiques. » Ainsi parla le vénérable Moggallâna le Grand. Les moines furent satisfaits et se réjouirent des paroles du vénérable. ———oOo——— Publié comme un don du Dhamma, pour être distribué librement, à des fins non lucratives. ©2015 Christian Maës. 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