— Le grand récit de Gosiṅga — Des bhikkhous anciens se réunissent et se demandent quel genre de bhikkhou pourrait illuminer le bois dans lequel ils se trouvent. Après avoir tous répondu en fonction de leur idéal personnel, il vont voir le Bouddha, qui donne sa propre réponse. Ainsi ai-je entendu. En ce temps-là le Seigneur séjournait au bois Gosiṅga, dans un bosquet d’arbres sals, en compagnie d’un grand nombre de disciples confirmés parmi les plus célèbres. Il y avait là le vénérable Sâriputta, le vénérable Mogallâna le Grand, le vénérable Kassapa le Grand, le vénérable Anuruddha, le vénérable Révata et le vénérable Ânanda, ainsi que d’autres disciples confirmés et fameux. Un soir, le vénérable Mogallâna le Grand sortit de sa retraite et se rendit auprès du vénérable Kassapa le Grand. Il lui dit : —Viens, ami Kassapa, allons voir le vénérable Sâriputta pour entendre un enseignement. —Oui, mon ami, le vénérable Kassapa acquiesça. Le vénérable Mogallâna et le vénérable Kassapa, en compagnie du vénérable Anuruddha (qui les avait rejoints), se rendirent auprès du vénérable Sâriputta pour entendre l’enseignement. Le vénérable Ânanda vit les trois vénérables se diriger vers le vénérable Sâriputta. Il alla trouver le vénérable Révata et lui dit : —Ces hommes véritables se rendent auprès du vénérable Sâriputta pour entendre un enseignement, ami Révata. Allons-y nous aussi, allons voir le vénérable Sâriputta pour écouter cet enseignement. —Oui, mon ami. Le vénérable Révata acquiesça. Et ils se rendirent tous deux auprès du vénérable Sâriputta. Le vénérable Sâriputta vit approcher les vénérables Ânanda et Révata. Il dit au vénérable Ânanda : —Viens, vénérable Ânanda. Bienvenue au vénérable Ânanda qui sert le Seigneur et vit auprès de lui. Le bois Gosiṅga est délicieux, ami Ânanda, la nuit est claire, les arbres sals tout couverts de fleurs, et des senteurs quasi divines se répandent partout. Quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga ? —Voici, ami Sâriputta. Un moine entend beaucoup les enseignements, bons au début, bons au milieu et bons à la fin, qui expliquent, avec le fond et la forme, la vie sainte complète, parfaite et pure. Il les retient, les récite à voix haute, en examine le sens et le pénètre par sa vision. Il expose l’enseignement aux quatre assemblées (moines, nonnes et laïcs, hommes et femmes) avec des expressions bien tournées, correctes, et de façon régulière, afin d’éradiquer les mauvais penchants. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, ami Sâriputta. Ainsi parla-t-il. Puis le vénérable Sâriputta s’adressa au vénérable Révata : —Le vénérable Ânanda a répondu selon son entendement. De même nous demandons maintenant au vénérable Révata : le bois Gosiṅga est délicieux, ami Révata, la nuit est claire, les arbres sals tout couverts de fleurs, et des senteurs quasi divines se répandent partout. Quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga ? —Voici, ami Sâriputta. Un moine prend plaisir à la solitude et s’y complaît, son absorption contemplative n’est pas détruite, il fait preuve de supravoyance et fréquente les logis vides. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, ami Sâriputta. Ainsi parla-t-il. Puis le vénérable Sâriputta s’adressa au vénérable Anuruddha : —Le vénérable Révata a répondu selon son entendement. De même nous demandons maintenant au vénérable Anuruddha : le bois Gosiṅga est délicieux, ami Anuruddha, la nuit est claire, les arbres sals tout couverts de fleurs, et des senteurs quasi divines se répandent partout. Quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga ? —Voici, ami Sâriputta. Un moine contemple mille mondes avec son œil divin bien purifié et plus qu’humain. Quand un homme doté d’une bonne vue monte sur la terrasse supérieure d’un grand palais, il peut voir mille périphéries. De même, ce moine contemple mille mondes avec son œil divin bien purifié et plus qu’humain. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, ami Sâriputta. Ainsi parla-t-il. Puis le vénérable Sâriputta s’adressa au vénérable Kassapa le Grand : —Le vénérable Anuraddha a répondu selon son entendement. De même nous demandons maintenant au vénérable Kassapa : le bois Gosiṅga est délicieux, ami Kassapa, la nuit est claire, les arbres sals tout couverts de fleurs, et des senteurs quasi divines se répandent partout. Quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga ? —Voici, ami Sâriputta. Un moine vit dans la forêt et recommande cet habitat, il se nourrit d’aumônes et recommande cette nourriture, il se vêt de rebuts et recommande ce type de vêtement, il n’a que trois robes et recommande les trois robes, il n’a aucun désir et recommande de n’avoir aucun désir, il se contente de ce qu’il a et recommande de se contenter de ce qu’on a, il est solitaire et recommande cette solitude, il évite les contacts et recommande d’éviter les contacts, il est énergique et recommande cette énergie, il est discipliné et recommande cette discipline, il est intensément concentré et recommande cette concentration, il est profondément sagace et recommande cette sagacité, il est délivré et recommande cette Délivrance, il a la connaissance et vision de la Délivrance et recommande cette connaissance et vision. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, ami Sâriputta. Ainsi parla-t-il. Puis le vénérable Sâriputta s’adressa au vénérable Moggallâna le Grand : —Le vénérable Kassapa a répondu selon son entendement. De même nous demandons maintenant au vénérable Moggallâna : le bois Gosiṅga est délicieux, ami Moggallâna, la nuit est claire, les arbres sals tout couverts de fleurs, et des senteurs quasi divines se répandent partout. Quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga ? —Voici, ami Sâriputta. Deux moines parlent de l’Abhidhamma, ils se questionnent mutuellement, répondent aux questions sans être pris de court, et leur discussion sur ce thème se poursuit, fluide. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, ami Sâriputta. Ainsi parla-t-il. Ensuite le vénérable Moggallâna le Grand s’adressa au vénérable Sâriputta : —Nous avons tous répondu selon notre entendement. Maintenant nous demandons de même au vénérable Sâriputta : le bois Gosiṅga est délicieux, Sâriputta, la nuit est claire, les arbres sals tout couverts de fleurs, et des senteurs quasi divines se répandent partout. Quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga ? —Voici, ami Moggallâna. Un moine maîtrise son état d’être, ce n’est pas son état d’être qui le domine. L’absorption stable dans laquelle il veut demeurer le matin, il y demeure le matin. L’absorption stable dans laquelle il veut demeurer en milieu de journée, il y demeure en milieu de journée. L’absorption stable dans laquelle il veut demeurer le soir, il y demeure le soir. Imaginons qu’un roi ou un grand ministre ait un coffre à vêtements rempli d’effets variés. Quel que soit le costume qu’il veuille mettre le matin, il peut le porter le matin. Quel que soit le costume qu’il veuille mettre à la mi-journée, il peut le porter à la mi-journée. Quel que soit le costume qu’il veuille mettre le soir, il peut le porter le soir. De même, quand un moine maîtrise son état d’être et n’est pas dominé par lui, il demeure le matin dans l’absorption où il veut demeurer le matin, il demeure en milieu de journée dans l’absorption où il veut demeurer en milieu de journée, il demeure le soir dans l’absorption où il veut demeurer le soir. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, ami Moggallâna. Alors le vénérable Ânanda dit aux autres vénérables : —Chacun de nous a répondu selon son entendement, mes amis. Allons voir le Seigneur. Nous lui relaterons tout cela et retiendrons ce que le Seigneur nous répondra. —Oui, mon ami, répondirent-ils. Les vénérables se rendirent auprès du Seigneur, le saluèrent et s’assirent convenablement. Une fois bien assis, le vénérable Sâriputta dit au Seigneur : —Les vénérables Ânanda et Révata vinrent me voir pour entendre l’enseignement. Je les vis approcher et je dis au vénérable Ânanda… (Sâriputta répète mot pour mot toute l’histoire. A la fin de chaque déclaration, le Seigneur approuve celle-ci) —Bien ! Bien ! Ânanda a répondu exactement comme il le devait, Sâriputta, car Ânanda entend beaucoup les enseignements, bons au début, bons au milieu et bons à la fin, qui expliquent, avec le fond et la forme, la vie sainte complète, parfaite et pure. Il les retient, les récite à voix haute, en examine le sens et le pénètre par sa vision. Il expose l’enseignement aux quatre assemblées avec des expressions bien tournées, correctes, et de façon régulière, afin d’éradiquer les mauvais penchants. … —Bien ! Bien ! Révata a répondu exactement comme il le devait, Sâriputta, car Révata prend plaisir à la solitude et s’y complaît, son absorption contemplative n’est pas détruite, il fait preuve de supravoyance et fréquente les logis vides. … —Bien ! Bien ! Anuruddha a répondu exactement comme il le devait, Sâriputta, car Anuruddha contemple mille mondes avec son œil divin bien purifié et plus qu’humain. … —Bien ! Bien ! Kassapa a répondu exactement comme il le devait, Sâriputta, car Kassapa vit dans la forêt, se nourrit d’aumônes, se vêt de rebuts, n’a que trois robes, n’a aucun désir, se contente de ce qu’il a, est solitaire, évite les contacts, est énergique, discipliné, intensément concentré, profondément sagace, délivré, il a la connaissance et vision de la Délivrance et recommande toutes ces qualités. … —Bien ! Bien ! Moggallâna a répondu exactement comme il le devait, Sâriputta, car Moggallâna discute des réalités. … —Bien ! Bien ! Sâriputta a répondu exactement comme il le devait, Moggallâna, car Sâriputta maîtrise son état d’être, ce n’est pas son état d’être qui le domine. L’absorption stable dans laquelle il veut demeurer le matin, il y demeure le matin. Celle dans laquelle il veut demeurer en milieu de journée, il y demeure en milieu de journée. Et celle dans laquelle il veut demeurer le soir, il y demeure le soir. Cela dit, le vénérable Sâriputta demanda au Seigneur : —Lequel d’entre nous a le mieux parlé, Seigneur ? —Vous avez tous bien parlé, Sâriputta, chacun à sa manière. Mais maintenant, écoutez-moi dire quelle sorte de moine peut encore embellir ce bois Gosiṅga. Un moine est rentré de sa tournée d’aumône, après le repas, il s’assied jambes croisées, dos droit, et stabilise sa vigilance devant lui : “Je ne dénouerai pas les jambes tant que mon esprit ne sera pas délivré des contaminations, sans plus aucun attachement”. Un tel moine peut embellir ce bois Gosiṅga, Sâriputta. Ainsi parla le Seigneur. Les vénérables furent satisfaits des paroles du Seigneur et ils s’en réjouirent. ———oOo——— Publié comme un don du Dhamma, pour être distribué librement, à des fins non lucratives. ©2015 Christian Maës. Toute réutilisation de ce contenu doit citer ses sources originales. |