— Les établissements de l'attention — Les instructions pratiques complètes du Bouddha sur le développement de l'attention. [Le texte de ce sutta est identique à celui du Mahâ-satipatthana Sutta (DN 22), à part que ce dernier contient une exposition plus détaillée des Quatre Nobles Vérités (sections 5a,b,c et d dans la partie D de cette version).]
J'ai entendu qu'en une occasion le Bienheureux se trouvait au pays des Kurus. Là, il y a une ville des Kurus nommé Kammasadhamma. Là le Bienheureux s'adressa aux bhikkhus:"Moines." "Vénérable Monsieur," répondirent les bhikkhus. Le Bienheureux dit ceci: "Voici le sentier direct conduisant à la purification des êtres, à la conquête des douleurs et des lamentations, à la destruction des souffrances physiques et morales, à l'acquisition de la conduite droite, et à la réalisation de la Libération -- autrement dit, les quatre sortes d'établissements de l'attention. Quels sont ces quatre?
"Il y a le cas où un bhikkhu regarde le corps dans le corps -- ardent, alerte, et attentif -- mettant de côté envies et soucis mondains. Il regarde les sensations... l'esprit... les qualités mentales dans les qualités mentales -- ardent, alerte, et attentif -- mettant de côté envies et soucis mondains.
"Et comment fait un bhikkhu pour regarder le corps dans le corps?
[1] "Il y a le cas où un bhikkhu -- étant parti au désert, à l'ombre d'un arbre, ou dans une maison isolée -- s'assied jambes croisées, en tenant son corps droit et en posant son attention devant lui [litt: devant la poitrine]. Toujours attentif, il inspire; attentif il expire.
"Inspirant longuement, il perçoit que son inspiration est longue; ou expirant longuement, il perçoit que son expiration est longue. Ou inspirant court, il perçoit que son inspiration est courte; ou expirant court, il perçoit que son expiration est courte. Il s'entraîne à inspirer en restant sensible au corps tout entier et à expirer en restant sensible au corps tout entier. Il s'entraîne à inspirer en calmant l'activité de l'ensemble et à expirer en calmant l'activité de l'ensemble. Tout comme un habile tourneur ou son apprenti, lorsqu'il tourne un long tournage, perçoit qu'il est en train de faire un long tournage, ou lorsqu'il est en train de faire un tournage court perçoit qu'il est en train de faire un tournage court; de la même manière le bhikkhu, lorsque son inspiration est longue, perçoit que son expiration est longue; ou expirant court, il perçoit que son expiration est courte... Il s'entraîne à inspirer en calmant l'activité de l'ensemble, et à expirer en calmant l'activité de l'ensemble.
[2] "De la sorte il regarde intérieurement le corps dans le corps, ou extérieurement le corps dans le corps, ou les deux intérieurement et extérieurement le corps dans le corps. Ou bien il regarde le phénomène de l'apparition corps, le phénomène de la disparition du corps, ou le phénomène de l'apparition et de la disparition du corps. Ou bien sa conscience que 'Il y a un corps' se maintient dans la mesure de la connaissance et de la mémoire. Et il demeure indépendant, sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde le corps dans le corps. "Qui plus est, lorsqu'il marche, le bhikkhu perçoit qu'il est en train de marcher. Lorsqu'il est debout, il perçoit qu'il est debout. Lorsqu'il est assis, il perçoit qu'il est assis. Lorsqu'il est couché, il perçoit qu'il est couché. Ou peu importe comment est disposé son corps, c'est ainsi qu'il le perçoit. "De la sorte il regarde intérieurement le corps dans le corps, ou concentré extérieurement... sans soutien de rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde le corps dans le corps. "Qui plus est, en allant et venant, il se fait pleinement alerte; en posant le regard et en détournant le regard... en pliant et en étendant ses membres... en transportant son manteau extérieur, sa robe supérieure et son bol... en mangeant, buvant, mâchant, et se délectant... en urinant et déféquant... en marchant, en se tenant debout, en étant assis, en s'endormant, en se réveillant, en parlant, et en restant silencieux, il se fait pleinement alerte. "De la sorte il regarde intérieurement le corps dans le corps, ou concentré extérieurement... sans soutien de rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde le corps dans le corps. "Qui plus est... tout comme si un sac avec des ouvertures aux deux extrémités était plein de diverses sortes de grain -- blé, riz, fèves, haricots, graines de sésame, riz décortiqué -- et qu'un homme à la bonne vue, en le versant, devait se dire, 'Ceci est du blé. Ceci est du riz. Ça, c'est des fèves. Ça, c'est des haricots. Ça, c'est des graines de sésame. Ceci est du riz décortiqué,' de la même manière, bhikkhus, un bhikkhu réfléchit sur ce corps-même de la plante de ses pieds en montant, du sommet du crâne en descendant, enrobé de peau et plein de diverses sortes de choses souillées: 'Dans ce corps, il y a des cheveux, des poils, des ongles, des dents, de la peau, de la chair, des tendons, des os, de la moelle osseuse, des reins, un coeur, un foie, une plèvre, une rate, des poumons, un gros intestin, un petit intestin, une gorge, des fèces, de la bile, du flegme, du pus, du sang, de la sueur, du gras, des larmes, du gras sébacé, de la salive, du mucus, de la synovie, de l'urine.' "De la sorte il regarde intérieurement le corps dans le corps, ou concentré extérieurement... sans soutien de rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde le corps dans le corps. "Qui plus est... tout comme un habile boucher ou son apprenti, ayant abattu une vache, s'assiérait à un carrefour pour la débiter, le bhikkhu contemple ce corps-même -- peu importe comment il se trouve, comme il est disposé -- en termes de propriétés: 'Dans ce corps il y a la propriété de terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété du vent.'
"De la sorte il regarde intérieurement le corps dans le corps, ou concentré extérieurement... sans soutien de rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde le corps dans le corps.
[3] "Qui plus est, comme s'il devait voir un cadavre jeté dans un charnier -- mort depuis un jour, deux jours, trois jours -- gonflé, livide, et pourrissant, il l'applique à ce corps-même, 'Ce corps aussi: Telle est sa nature, tel est son avenir, tel est son destin inévitable'... "Ou encore, comme s'il devait voir un cadavre jeté dans un charnier, becqueté par les corneilles, les vautours et les faucons, par les chiens, les hyènes et diverses autres créatures... un squelette couvert de chair et de sang, connecté par des tendons... un squelette sans chair couvert de sang, connecté par des tendons... un squelette sans chair ni sang, connecté par des tendons... des os détachés de leurs tendons, éparpillés en toutes directions -- ici l'os d'une main, là l'os d'un pied, ici un tibia, là un fémur, ici l'os d'une hanche, là une vertèbre, ici une côté, là un sternum, là une clavicule, ici une cervicale, ici une mâchoire, là une dent, ici un crâne... les os blanchis, un peu comme la couleur des coquillages... empilés, de plus d'un an... décomposés en une poudre: Il l'applique à ce corps-même, 'Ce corps aussi: telle est sa nature, tel est son avenir, tel est son sort inévitable.'
"De la sorte il regarde intérieurement le corps dans le corps, ou extérieurement le corps dans le corps, ou les deux intérieurement et extérieurement le corps dans le corps. Ou bien il regarde le phénomène de l'apparition du corps, le phénomène de la disparition du corps, ou le phénomène de l'apparition et de la disparition du corps. Ou bien que sa conscience que 'Il y a un corps' se maintient dans la mesure de la connaissance et de la mémoire. Et il demeure indépendant, sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde le corps dans le corps.
"Et comment fait un bhikkhu pour regarder les sensations dans les sensations? Il y a le cas où un bhikkhu, en ressentant une sensation douloureuse, perçoit qu'il ressent une sensation douloureuse. En ressentant une sensation agréable, il perçoit qu'il ressent une sensation agréable. En ressentant une sensation ni-douloureuse-ni-agréable, il perçoit qu'il ressent une sensation ni-douloureuse-ni-agréable. "En ressentant une sensation douloureuse de la chair, il perçoit qu'il ressent une sensation douloureuse de la chair. En ressentant une sensation douloureuse qui n'est pas de la chair, il perçoit qu'il ressent une sensation douloureuse qui n'est pas de la chair. En ressentant une sensation agréable de la chair, il perçoit qu'il ressent une sensation agréable de la chair. En ressentant une sensation agréable qui n'est pas de la chair, il perçoit qu'il ressent une sensation agréable qui n'est pas de la chair. En ressentant une sensation ni-douloureuse-ni-agréable de la chair, il perçoit qu'il ressent une sensation ni-douloureuse-ni-agréable de la chair. En ressentant une sensation ni-douloureuse-ni-agréable qui n'est pas de la chair, il perçoit qu'il ressent une sensation ni-douloureuse-ni-agréable qui n'est pas de la chair.
"De la sorte il regarde intérieurement les sensations dans les sensations, ou extérieurement les sensations dans les sensations, ou les deux intérieurement et extérieurement les sensations dans les sensations. Ou bien il regarde le phénomène de l'apparition des sensations, le phénomène de la disparition des sensations, ou le phénomène de l'apparition et de la disparition des sensations. Ou bien sa conscience que 'Il y a des sensations' se maintient dans la mesure de la connaissance et de la mémoire. Et il demeure indépendant, sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde les sensations dans les sensations.
"Et comment fait un bhikkhu pour regarder l'esprit en soi et pour soi? Il y a le cas où un bhikkhu, lorsque l'esprit a une passion, perçoit que l'esprit a une passion. Lorsque l'esprit est sans passion, il perçoit que l'esprit est sans passion. Lorsque l'esprit a de l'aversion, il perçoit que l'esprit a de l'aversion. Lorsque l'esprit est sans aversion, il perçoit que l'esprit est sans aversion. Lorsque l'esprit a des illusions, il perçoit que l'esprit a des illusions. Lorsque l'esprit est sans illusions, il perçoit que l'esprit est sans illusions. "Lorsque l'esprit est restreint, il perçoit que l'esprit est restreint. Lorsque l'esprit est éparpillé, il perçoit que l'esprit est éparpillé. Lorsque l'esprit est élargi, il perçoit que l'esprit est élargi. Lorsque l'esprit n'est pas élargi, il perçoit que l'esprit n'est pas élargi. Lorsque l'esprit est dépassé, il perçoit que l'esprit est dépassé. Lorsque l'esprit est insurpassé, il perçoit que l'esprit est insurpassé. Lorsque l'esprit est concentré, il perçoit que l'esprit est concentré. Lorsque l'esprit n'est pas concentré, il perçoit que l'esprit n'est pas concentré. Lorsque l'esprit est libéré, il perçoit que l'esprit. Lorsque l'esprit n'est pas libéré, il perçoit que l'esprit n'est pas libéré.
"De la sorte il regarde intérieurement l'esprit en soi et pour soi, ou extérieurement l'esprit en soi et pour soi, ou les deux, intérieurement et extérieurement l'esprit en soi et pour soi. Ou bien il regarde le phénomène de l'apparition à l'esprit, le phénomène de la disparition à l'esprit, ou le phénomène de l'apparition et de la disparition à l'esprit. Ou sa conscience de ce que 'Il y a l'esprit' se maintient dans la mesure de la connaissance et de la mémoire. Et il demeure indépendant, sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde l'esprit en soi et pour soi.
"Et comment fait un bhikkhu pour regarder les qualités mentales dans les qualités mentales? [1] "Il y a le cas où un bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux cinq obstacles. Et comment fait un bhikkhu pour regarder les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux cinq obstacles? Il y a le cas où, étant présent en lui du désir sensuel, un bhikkhu perçoit que 'Il y a du désir sensuel présent en moi.' Ou bien, n'étant présent en lui aucun désir sensuel, il perçoit que 'Aucun désir sensuel n'est présent en moi.' Il perçoit comment se produit la montée du désir sensuel non encore surgi. Et il perçoit comment se produit l'abandon du désir sensuel une fois qu'il a surgi. Et il perçoit comment il n'y a pas d'apparition ultérieure à l'avenir du désir sensuel qui a été abandonné. (La même formule se répète pour les obstacles restants: mauvaise volonté, indolence et engourdissement, énervement et anxiété, ainsi qu'incertitude.) "De la sorte il regarde intérieurement les qualités mentales dans les qualités mentales, ou extérieurement les qualités mentales dans les qualités mentales, ou les deux intérieurement et extérieurement les qualités mentales dans les qualités mentales. Ou il regarde le phénomène de l'apparition des qualités mentales, le phénomène de la disparition des qualités mentales, ou le phénomène de l'apparition et de la disparition des qualités mentales. Ou sa conscience que 'Voilà les qualités mentales' se maintient dans la mesure de la connaissance et de la mémoire. Et il demeure indépendant, sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux cinq obstacles. [2] "Qui plus est, le bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux cinq agrégats d'attachement. Et comment fait-il pour regarder les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux cinq agrégats d'attachement? Il y a le cas où un bhikkhu [perçoit]: 'Telle est la forme, telle son origine, telle sa disparition. Telle est la sensation... Telle est la la perception... Telles sont les les fabrications... Telle est la conscience, telle son origine, telle sa disparition.' "De la sorte il regarde intérieurement les qualités mentales dans les qualités mentales, ou concentré extérieurement... sans soutien de rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux cinq agrégats d'attachement. [3] "Qui plus est, le bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport au sextuple appareil des sens interne et externe. Et comment fait-il pour regarder les qualités mentales dans les qualités mentales le sextuple appareil des sens interne et externe? Il y a le cas où il perçoit l'oeil, il perçoit les formes, il perçoit les entraves qui surgissent en dépendance des deux. Il perçoit comment il y a le le surgissement d'une entrave non encore surgie. Et il perçoit comment il y a l'abandon d'une entrave une fois qu'elle a surgi. Et il perçoit comment il n'y a pas d'autre apparition à l'avenir d'une entrave qu'on a abandonnée. (La même formule se répète pour les autres moyens sensoriels: oreilles, nez, langue, corps, et intellect.) "De la sorte il regarde intérieurement les qualités mentales dans les qualités mentales, ou concentré extérieurement... sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales le sextuple appareil des sens interne et externe. [4] "Qui plus est, le bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux sept facteurs de l'Eveil. Et comment fait-il pour regarder les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux sept facteurs de l'Eveil? Il y a le cas où, étant présente en lui la conscience en tant que facteur de l'Eveil, il perçoit que 'La conscience en tant que facteur de l'Eveil est présente en moi.' Ou, n'étant présente en lui aucune conscience en tant que facteur de l'Eveil, il perçoit que 'La conscience en tant que facteur de l'Eveil n'est pas présente en moi.' Il perçoit comment il y a le surgissement de la conscience non surgie en tant que facteur de l'Eveil. Et il perçoit comment il y a la culmination du développement de la conscience en tant que facteur de l'Eveil une fois qu'elle a surgi. (La même formule se répète pour les facteurs restants de l'Eveil: analyse des qualités, persistance, ravissement, sérénité, concentration, et équanimité.)
"De la sorte il regarde intérieurement les qualités mentales dans les qualités mentales, ou extérieurement... sans soutien (sans attachement à) rien au monde. C'est ainsi qu'un bhikkhu regarde les qualités mentales dans les qualités mentales par rapport aux sept facteurs de l'Eveil.
"Maintenant, si quiconque devait développer ces quatre sortes d'établissement de l'attention de cette manière pendant sept ans, il peut s'attende à l'un de deux fruits: soit l'état d'Arhant dans cette vie, ou -- s'il devait demeurer un reste d'attachement -- le non-retour. "Mais laissons là ces sept ans. Si quiconque devait développer ces quatre sortes d'établissement de l'attention de cette manière pendant six ans... cinq... quatre... trois... deux ans... un an... sept mois... six mois... cinq... quatre... trois... deux mois... un mois... un demi mois, il peut s'attende à l'un de deux fruits: soit l'état d'Arhant dans cette vie, ou -- s'il devait demeurer un reste d'attachement -- le non--retour. "Mais laissons là ce demi mois. Si quiconque devait développer ces quatre sortes d'établissement de l'attention de cette manière pendant sept jours, il peut s'attende à l'un de deux fruits: soit l'état d'Arhant dans cette vie, ou -- s'il devait demeurer un reste d'attachement -- le non--retour. "'Ceci est la voie directe pour la purification des êtres, pour surmonter la peine et les lamentations, pour faire disparaître la douleur et l'angoisse, pour atteindre la bonne méthode, et pour réaliser la Libération -- autrement dit, les quatre sortes d'établissement de l'attention.' Ainsi fut-il dit, et en référence ) ceci fut-il dit." C'est là ce que dit le Bienheureux. Gratifiés, les bhikkhus se régalèrent des paroles du Bienheureux. ———oOo——— Publié comme un don du Dhamma, pour être distribué librement, à des fins non lucratives. Toute réutilisation de ce contenu doit citer ses sources originales. |