MN 63
Cūḷa Māluṅkya Sutta
— Les courtes instructions à Malunkya —

Le Vén. Malunkyaputta menace de défroquer à moins que le Bouddha ne réponde à toutes ses questions spéCûlatives et métaphysiques. Au moyen de la fameuse parabole de l'homme frappé par une flèche empoisonnée, le Bouddha lui rappelle que certaines questions ne valent tout simplement pas la peine qu'on se les pose.




Traduction de Michel Proulx


J'ai entendu qu'en une occasion le Béni du Ciel demeurait près de Savatthi au Bosquet de Jeta, le monastère d'Anathapindika. Alors, comme le Vén. Malunkyaputta se trouvait seul en réclusion, ce train de pensées se leva dans sa conscience: "Ces positions qui sont tues, mises de côté, rejetées par le Béni du Ciel -- 'Le cosmos est éternel,' 'Le cosmos n'est pas éternel,' 'Le cosmos est fini,' 'Le cosmos est infini,' 'L'âme et le corps sont la même chose,' 'L'âme est une chose et le corps en est une autre,' 'Après la mort un Tathâgata existe,' 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas,' 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas,' 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas' -- Je n'approuve pas, je n'accepte pas que le Béni du Ciel ne me les ait pas déclarées. Je vais aller interroger le Béni du Ciel sur ce sujet. S'il me déclare que 'Le cosmos est éternel,' que 'Le cosmos n'est pas éternel,' que 'Le cosmos est fini,' que 'Le cosmos est infini,' que 'L'âme et le corps sont la même chose,' que 'L'âme est une chose et le corps en est une autre,' que 'Après la mort un Tathâgata existe,' que 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas,' que 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas,' ou que 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas,' alors je vivrai la vie sainte sous sa direction. S'il ne me déclare pas que 'Le cosmos est éternel,'... ou que 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas,' alors je renoncerai à l'entraînement et reviendrai à la vie inférieure."

Alors, lorsque le soir fut venu, le Vén. Malunkyaputta se leva de sa réclusion et alla trouver le Béni du Ciel. En arrivant, s'étant incliné, il s'assit d'un côté. Une fois assis il dit au Béni du Ciel, "Seigneur, à l'instant, comme je me trouvais seul en réclusion, ce train de pensées se leva dans ma conscience: 'Ces positions qui sont tues, mises de côté, rejetées par le Béni du Ciel... Je n'approuve pas, je n'accepte pas que le Béni du Ciel ne me les ait pas déclarées. Je vais aller interroger le Béni du Ciel sur ce sujet. S'il me déclare que "Le cosmos est éternel,"... ou que "Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas," alors je vivrai la vie sainte sous sa direction. S'il ne me déclare pas que "Le cosmos est éternel,"... ou que "Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas," alors je renoncerai à l'entraînement et reviendrai à la vie inférieure.'

"Seigneur, si le Béni du Ciel sait que 'Le cosmos est éternel,' alors puisse-t-il me déclarer que 'Le cosmos est éternel.' S'il sait que 'Le cosmos n'est pas éternel,' alors puisse-t-il me déclarer que 'Le cosmos n'est pas éternel.' Mais s'il ne sait pas ni ne voit si le cosmos est éternel ou pas éternel, alors, chez qui est ignare et aveugle, la chose la plus simple est d'admettre, 'Je ne sais pas. Je ne vois pas.'... S'il ne sait pas ni ne voit si après la mort un Tathâgata existe... n'existe pas... existe autant qu'il n'existe pas... ni existe ni n'existe pas,' alors, chez qui est ignare et aveugle, la chose la plus simple est d'admettre, 'Je ne sais pas. Je ne vois pas.'"

"Malunkyaputta, t'ai-je jamais dit, 'Allons, Malunkyaputta, vis la vie sainte sous ma direction, et je te déclarerai que 'Le cosmos est éternel,' ou 'Le cosmos n'est pas éternel,' ou 'Le cosmos est fini,' ou 'Le cosmos est infini,' ou 'L'âme et le corps sont la même chose,' ou 'L'âme est une chose et le corps en est une autre,' ou 'Après la mort un Tathâgata existe,' ou 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas,' ou 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas,' ou 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas'?"

"Non, seigneur."

"Et m'as-tu jamais dit, 'Seigneur, je vivrai la vie sainte sous la direction du Béni du Ciel et [en revenant] il il me déclarera que 'Le cosmos est éternel,' ou 'Le cosmos n'est pas éternel,' ou 'Le cosmos est fini,' ou 'Le cosmos est infini,' ou 'L'âme et le corps sont la même chose,' ou 'L'âme est une chose et le corps en est une autre,' ou 'Après la mort un Tathâgata existe,' ou 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas,' ou 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas,' ou 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas'?"

"Non, seigneur."

"Alors puisque c'est le cas, sot que tu es, qui es-tu à pour prétendre avoir des griefs/des exigences envers quiconque?

"Malunkyaputta, si qui que ce soit devait dire, 'Je ne vivrai pas la vie sainte sous la direction du Béni du Ciel tant qu'il ne m'aura pas déclaré que "Le cosmos est éternel,"... ou que "Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas,"' cet homme mourrait et ces choses demeureraient pourtant tues par le Tathâgata.

"C'est tout comme si un homme était blessé par une flèche abondamment enduite de poison, que ses amis et compagnons, cousins et parents lui trouvaient un chirurgien, et que l'homme disait, 'On ne m'enlèvera pas cette flèche tant que je ne saurai pas si l'homme qui m'a blessé était un noble guerrier, un prêtre, un marchand, ou un travailleur.' Qu'il disait, 'On ne m'enlèvera pas cette flèche tant que je ne saurai pas le nom personnel et le nom de famille de l'homme qui m'a blessé... tant que je ne saurai pas s'il était grand, de taille moyenne, ou petit... tant que je ne saurai pas s'il était noir, brun chocolat, ou de couleur dorée... tant que je ne saurai pas son village, son bourg, ou sa ville d'origine... tant que je ne saurai pas si l'arc avec lequel j'ai été blessé était un grand arc ou une arbalète... tant que je ne saurai pas si la corde de l'arc avec lequel j'ai été blessé était de fibre, de fibres de bambou, de nerf, de chanvre, ou d'écorce... tant que je ne saurai pas si la tige avec laquelle j'ai été blessé était sauvage ou cultivée... tant que je ne saurai pas si les plumes de la tige avec lequel j'ai été blessé étaient celles d'un vautour, d'une cigogne, d'un faucon, d'un paon, ou d'un autre oiseau... tant que je ne saurai pas si la tige avec lequel j'ai été blessé était ligaturée avec le nerf d'un boeuf, d'un buffle d'eau, d'un langour, ou d'un singe.' Qu'il disait, 'On ne m'enlèvera pas cette flèche tant que je ne saurai pas si la tige avec lequel j'ai été blessé était celle de une flèche commune, une flèche courbe, une flèche barbelée, en dent de veau, ou en laurier rose.' L'homme mourrait et ces choses lui resteraient pourtant inconnues.

"De même, si qui que ce fut devait dire, 'Je ne vivrai pas la vie sainte sous la direction du Béni du Ciel tant qu'il ne m'aura pas déclaré que 'Le cosmos est éternel,'... ou que 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas,' l'homme mourrait et ces choses demeureraient pourtant tues par le Tathâgata.

"Malunkyaputta, ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Le cosmos est éternel,' de parler de vivre la vie sainte. Et ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Le cosmos n'est pas éternel,' de parler de vivre la vie sainte. Quand on a l'opinion, 'Le cosmos est éternel,' et lorsqu'on a l'opinion, 'Le cosmos n'est pas éternel,' il y a toujours la naissance, il y a le vieillissement, il y a la mort, il y a la tristesse, le chagrin, la douleur, le désespoir, et l'angoisse dont je fais connaître la destruction juste ici et maintenant.

"Ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Le cosmos est fini,' de parler de vivre la vie sainte. Et ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Le cosmos est infini,' de parler de vivre la vie sainte. Quand on a l'opinion, 'Le cosmos est fini,' et lorsqu'on a l'opinion, 'Le cosmos est infini,' il y a toujours la naissance, il y a le vieillissement, il y a la mort, il y a la tristesse, le chagrin, la douleur, le désespoir, et l'angoisse dont je fais connaître la destruction juste ici et maintenant.

"Ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'L'âme et le corps sont la même chose,' de parler de vivre la vie sainte. Et ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'L'âme est une chose et le corps en est une autre,' de parler de vivre la vie sainte. Quand on a l'opinion, 'L'âme et le corps sont la même chose,' et lorsqu'on a l'opinion, 'L'âme est une chose et le corps en est une autre,' il y a toujours la naissance, il y a le vieillissement, il y a la mort, il y a la tristesse, le chagrin, la douleur, le désespoir, et l'angoisse dont je fais connaître la destruction juste ici et maintenant.

"Ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Après la mort un Tathâgata existe,' de parler de vivre la vie sainte. Et ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas,' de parler de vivre la vie sainte. Et ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas,' de parler de vivre la vie sainte. Et ce n'est pas le cas, lorsqu'on a l'opinion, 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas' de parler de vivre la vie sainte. Quand on a l'opinion, 'Après la mort un Tathâgata existe'... 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas'... 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas'... 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas,' il y a toujours la naissance, il y a le vieillissement, il y a la mort, il y a la tristesse, le chagrin, la douleur, le désespoir, et l'angoisse dont je fais connaître la destruction juste ici et maintenant.

"Donc, Malunkyaputta, rappelle-toi de ce qui est tu par moi comme étant tu, et ce qui est déclaré par moi comme étant déclaré. Et qu'est-ce qui est tu par moi? 'Le cosmos est éternel,' est tu par moi. 'Le cosmos n'est pas éternel,' est tu par moi. 'Le cosmos est fini'... 'Le cosmos est infini'... 'L'âme et le corps sont la même chose'... 'L'âme est une chose et le corps en est une autre'... 'Après la mort un Tathâgata existe'... 'Après la mort un Tathâgata n'existe pas'... 'Après la mort un Tathâgata existe autant qu'il n'existe pas'... 'Après la mort un Tathâgata ni existe ni n'existe pas,' sont tus par moi.

"Et pourquoi les tais-je? Parce qu'elles ne sont pas en rapport avec l'objectif, ne sont pas fondamentales à la vie sainte. Elles ne conduisent pas à le désenchantement, la dépassion, la cessation, la pacification, la connaissance directe, l'auto-éveil, la Libération. C'est pour ces raisons que je les tais.

"Et qu'est-ce qui est déclaré par moi? 'Ceci est le stress,' est déclaré par moi. 'Ceci est l'origine du stress,' est déclaré par moi. 'Ceci est la cessation du stress,' est déclaré par moi. 'Ceci est le chemin de la pratique qui conduit à la cessation du stress,' est déclaré par moi. Et pourquoi sont-elles déclarées par moi? Parce qu'elles sont en rapport avec l'objectif, sont fondamentales à la vie sainte. Elles conduisent au désenchantement, à la dépassion, à la cessation, à la pacification, à la connaissance directe, à l'auto-éveil, à la Libération. C'est pour ces raisons que je les déclare.

"Donc, Malunkyaputta, rappelle-toi de ce qui est tu par moi comme étant tu, et de ce qui est déclaré par moi comme étant déclaré."

Voilà ce que dit le Béni du Ciel. Gratifié, le Vén. Malunkyaputta se réjouit des paroles du Béni du Ciel.





Bodhi leaf


Traduit du Pāḷi par vén. Thanissaro et de l'Anglais par Michel Proulx.

———oOo———
Publié comme un don du Dhamma,
pour être distribué librement, à des fins non lucratives.
Toute réutilisation de ce contenu doit citer ses sources originales.