Le bouddha explique ici pourquoi il ne mange qu'une fois par jour. Le vénérable Bhaddali lui fait savoir qu'il ne compte pas en faire de même. Ce sutta explique, en outre, pourquoi certain mendiants sont plus réprimandés que d'autres. Enfin le bouddha y expose aussi l'allégorie du jeune pur-sang.
Un jour, le Fortuné séjournait près de Savatthi, dans le bois de Jéta, le parc d'Anāthapiṇḍika. En cet endroit, il s'adressa ainsi aux mendiants:
— Mendiants!
— Oui, Bhanté, répondirent les mendiants. Alors le Fortuné dit:
— Mendiants, je ne mange qu'en une occasion par jour. En faisant ainsi, je suis libéré de la maladie et de l'affliction, et je profite de la légèreté, de la force physique, et de l'aisance constante. Ainsi mendiants, ne mangez qu'en une occasion, vous serez ainsi libérés de la maladie et de l'affliction, et vous profiterez de la légèreté, de la force physique, et de l'aisance constante.
Quand ce fut dit, le vénérable Bhaddāli dit au Bhagavā :
— Bhanté, je ne compte pas manger en une seule occasion, car si je devais le faire, je pourrai développer de l'anxiété et du remords à ce sujet.
— Alors, Bhaddāli, mange une partie du repas là où tu y es invité, puis emporte l'autre partie avec toi.
— Bhanté, je ne compte pas manger de cette façon non plus, car si je devais le faire, je pourrai développer de l'anxiété et du remords à ce sujet.
Ainsi le vénérable Bhaddāli déclara son refus d'appliquer le précepte d'entrainement correctement énoncé par le Bhagavā à la Communauté des mendiants. Durant les 3 mois de retraite de vassa qui suivirent, Bhaddāli ne se présenta pas une fois au Maître à l'instar de ceux qui ne complètent pas parfaitement leur entrainement dans l'Enseignement.
À un moment, un groupe de mendiants confectionnaient une robe pour le Bhagavā en pensant 'Une fois cette robe terminée, passée la saison des pluies, le Bhagavā reprendra la route.'
Le vénérable Bhaddāli approcha ce groupe de mendiants, les ayant correctement salués, il s'assit d'un côté. Ils s'adressèrent alors à lui :
— Ami Bhaddāli, cette robe est faite pour le Bhagavā. Une fois cette robe terminée, passée la saison des pluies, le Bhagavā reprendra la route. Ami Bhaddāli, ne laissez pas les états mauvais se développer en vous trop longtemps.
— Qu'il en soit ainsi.
Ayant entendu la parole des mendiants, il s'en alla voir le Bhagavā. Lui ayant rendu hommage comme il se doit, s'étant assis à son côté, il lui dit :
— Bhanté, une faute a eu raison de moi. Alors que le Bhagavā avait fait connaître un précepte d'entrainement correctement énoncé à la Communauté des mendiants, confus, maladroit, et idiot, j'ai fait connaître mon intention de ne pas m'y conformer. Puisse le Bhagavā accepter mon admission de cette transgression et me pardonner. Je pratiquerai la restreinte dans l'avenir.
— Assurément Bhaddāli, une faute a eu raison de toi. Alors que j'avais fait connaître un précepte d'entrainement correctement énoncé à la Communauté des mendiants, confus, maladroit, et idiot, tu as fait connaître ton intention de ne pas t'y conformer.
Mais aussi, Bhaddāli, il y a une chose que tu n'as pas reconnue : 'Le Bhagavā, demeure à Sāvatthī, et le Bhagavā me connaitra ainsi "Le mendiant nommé Bhaddāli ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement" '
De la même manière, il y a une autre chose que tu n'as pas reconnue : 'Beaucoup de mendiants demeurent à Savatthi pour la saison des pluies, et eux aussi me connaitront ainsi : "Le mendiant nommé Bhaddāli ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement" '.
De la même manière, il y a une autre chose que tu n'as pas reconnue : 'Beaucoup de mendiantnis demeurent à Savatthi pour la saison des pluies, et elles aussi me connaitront ainsi : "Le mendiant nommé Bhaddāli ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement" '.
De la même manière, il y a une autre chose que tu n'as pas reconnue : 'Beaucoup d'upāsakas, disciples laïcs du Bhagavā, demeurent à Sāvatthī, et eux aussi me connaitront ainsi : "Le mendiant nommé Bhaddāli ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement" '.
De la même manière, il y a une autre chose que tu n'as pas reconnue : 'Beaucoup d'upāsikas, disciples laïques du Bhagavā, demeurent à Sāvatthī, et elles aussi me connaitront ainsi : "Le mendiant nommé Bhaddāli ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignemen"' '.
De la même manière, il y a une autre chose que tu n'as pas reconnue : 'Beaucoup de renonçants de la caste des brahmanes d'autres sectes, se retirent à Savatthi pour vassa, et eux aussi me connaitront ainsi : "Le mendiant nommé Bhaddāli, disciple thera de Gotama, ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement" '.
— Bhanté, une faute a eu raison de moi. Alors que le Bhagavā avait fait connaître un précepte d'entrainement correctement énoncé à la Communauté des mendiants, confus, maladroit, et idiot, j'ai fait connaître mon intention de ne pas m'y conformer. Puisse le Bhagavā accepter mon admission de cette transgression et me pardonner. Je pratiquerai la restreinte dans l'avenir.
— Assurément Bhaddāli, une faute a eu raison de toi. Alors que j'avais fait connaître un précepte d'entrainement correctement énoncé à la Communauté des mendiants, confus, maladroit, et idiot, tu as fait connaître ton intention de ne pas t'y conformer.
Qu'en penses-tu Bhaddāli, suppose qu'un mendiant, ici, ait atteint la libération des deux façons{1} et que je lui dise 'Bhikkhu, allonge toi dans la boue pour moi que je puisse y marcher'. Se mettrait-il dans la boue pour moi, ou bien y mettrait-il autre chose, ou bien me répondrait-il non ?
— Cela n'arriverait pas Bhanté.
— Qu'en penses-tu Bhaddāli, suppose qu'un mendiant, ici, ait atteint la libération par la sagacité{2} et que je lui dise 'Bhikkhu, allonge toi dans la boue pour moi que je puisse y marcher'. Se mettrait-il dans la boue pour moi, ou bien y mettrait-il autre chose, ou bien me répondrait-il non ?
— Cela n'arriverait pas Bhanté.
— Qu'en penses-tu Bhaddāli, suppose qu'un mendiant, ici, soit témoin du sentier par le corps{3} … ait la vue correcte{4} … soit libéré par la conviction{5} … soit un agissant en conformité au Dhamma{6} … soit un agissant en conformité avec la conviction{7} … et que je lui dise 'Bhikkhu, allonge toi dans la boue pour moi que je puisse y marcher'. Se mettrait-il dans la boue pour moi, ou bien y mettrait-il autre chose, ou bien me répondrait-il non ?
— Cela n'arriverait pas Bhanté.
— Qu'en penses-tu Bhaddāli, étais-tu en cette occasion libéré des deux façons, ou bien libéré par la sagacité, ou bien témoin du sentier par le corps, ou bien ayant la vue correcte, ou bien libéré par la conviction, ou bien agissant en conformité avec le Dhamma, ou bien agissant en conformité avec la conviction ?
— Non, Bhanté.
— Bhaddāli, cette saison de Vassa n'a-t-elle pas été vaine, vide, dans l'erreur pour toi ?
— Oui Bhanté, une faute a eu raison de moi. Alors que le Bhagavā avait fait connaître un précepte d'entrainement correctement énoncé à la Communauté des mendiants, confus, maladroit, et idiot, j'ai fait connaître mon intention de ne pas m'y conformer. Puisse le Bhagavā accepter mon admission de cette transgression et me pardonner. Je pratiquerai la restreinte dans l'avenir.
— Assurément Bhaddāli, une faute a eu raison de toi. Alors que j'avais fait connaître un précepte d'entrainement correctement énoncé à la Communauté des mendiants, confus, maladroit, et idiot, tu as fait connaître ton intention de ne pas t'y conformer. Mais puisque tu as vu ta faute et que tu t'en es amendé, nous te pardonnons. On progresse sur le sentier des disciples des nobles personnes quand on voit sa faute et que l'on s'en amende en accord avec le Dhamma en pratiquant la restreinte pour le futur.
Ici, Bhaddāli, un mendiant ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement. Pensant ainsi 'Supposons que je doive rester dans un endroit isolé : un bois, une souche d'arbre, une montagne, un ravin, une grotte à flanc de montagne, un charnier, au plus profond d'une forêt, une prairie dégagée, un tas de paille. Il se pourrait que je réalise un état supramondain, que je comprenne le Dhamma des êtres nobles'. Ainsi il demeure dans un tel endroit isolé : un bois, une souche d'arbre, une montagne, un ravin, une grotte à flanc de montagne, un charnier, au plus profond d'une forêt, une prairie dégagée, un tas de paille. Faisant ainsi, le Maître le rejette, ses compagnons du Dhamma connaissant le sentier des êtres nobles le rejettent, les dévas le rejettent, il se rejette lui-même. En étant rejeté de la sorte par le Maître, ses compagnons du Dhamma connaissant le sentier des êtres nobles, et par lui-même, il ne réalise aucun état supramondain, aucune compréhension du Dhamma des êtres nobles. Et pourquoi cela ? Parce qu'il ne complète pas parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Ici, Bhaddāli, un mendiant complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement. Pensant ainsi 'Supposons que je doive rester dans un endroit isolé : un bois, une souche d'arbre, une montagne, un ravin, une grotte à flanc de montagne, un charnier, au plus profond d'une forêt, une prairie dégagée, un tas de paille. Il se pourrait que je réalise un état supramondain, que je comprenne le Dhamma des êtres nobles'. Ainsi il demeure dans un tel endroit isolé : un bois, une souche d'arbre, une montagne, un ravin, une grotte à flanc de montagne, un charnier, au plus profond d'une forêt, une prairie dégagée, un tas de paille. Faisant ainsi, le Maître ne le rejette pas, ses compagnons du Dhamma connaissant le sentier des êtres nobles ne le rejettent pas, les dévas ne le rejettent pas, il ne se rejette pas lui-même. N'étant pas rejeté par le Maître, ses compagnons du Dhamma connaissant le sentier des êtres nobles, ni par lui-même, il réalise des états supramondains, la compréhension du Dhamma des êtres nobles.
Ainsi, relativement détourné de la sensualité, détourné des états mentaux malsains, entre et demeure dans le premier jhāna, qui est accompagné de sukha et d'exaltation engendrés par l'isolement, et de vitakka-vicāra. Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Ainsi, Bhaddāli, ce mendiant avec l'apaisement de vitakka-vicāra, entre et demeure dans le second jhāna, qui est accompagné de tranquillité intérieure, de sukha et d'exaltation engendrés par la concentration, ainsi que d'une unité de l'attention, délivrée de vitakka et de vicāra. Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Ainsi, Bhaddāli, ce mendiant avec l'atténuation d'exaltation, demeurant équanime, attentif et sampajāno, ressentant sukha dans le corps, entre et demeure dans le troisième jhāna, dont les êtres nobles déclarent: 'upekkhako satimā sukhavihārī'. Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Ainsi, Bhaddāli, ce mendiant avec l'abandon du plaisir et de la douleur, après la disparition préalable de la joie et de la tristesse, entre et demeure dans le quatrième jhāna, qui est accompagné d'une purification de l'attention par l'équanimité et de l'absence de plaisir et de douleur. . Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Avec son esprit (citta) ainsi clair, dépassionné, irréprochable, défait de toute impureté, souple et malléable, stable et arrivé à l'imperturbabilité, il le dirige vers le souvenir de ses états antérieurs. Il se rappelle une vie précédente, puis deux vies, puis trois, puis quatre, puis cinq, puis dix, puis vingt, puis cinquante, puis cent, mille, cent mille, puis se souvient de plusieurs éons et de la naissance de plusieurs systèmes-monde : 'Là j'avais tel nom, telle famille, j'appartenais à telle caste, je vivais ainsi, je profitais et souffrais ainsi, je suis mort ainsi. Disparaissant de là j'apparus dans cette autre existence autre part, et tel était mon nom, telle était ma famille, telle était ma caste, ainsi je vivais, ainsi je profitais et souffrais, ainsi je mourus, puis après cette mort je renaquis ici'. Ainsi avec leurs aspects et les détails il se souvient de ses multiples vies passées. Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Avec son esprit ainsi clair, dépassionné, irréprochable, défait de toute impureté, souple et malléable, stable et arrivé à l'imperturbabilité, il le dirige vers la connaissance de la disparition et de la réapparition des êtres. Avec l'œil du Deva, pur et supramondain, il perçoit les êtres disparaissant d'un état d'existence puis réapparaissant dans un autre, il voit l'inférieur et le supérieur, la couleur étincelante et la couleur fade, le bon et le mauvais, il voit clairement les gens conformément à leur kamma. Il pense 'Ces gens entreprennent une mauvaise voie par leurs actes, leurs paroles, et leurs pensées. Ils offensent les êtres Nobles, entretiennent des vues erronées, et ils encourent les mauvaises conséquences qui en découlent. À la dissolution du corps, ils renaîtront dans des états de mal-être, de misère, et de tourment. Ces autres gens entreprennent une voie juste par leurs actes, leurs paroles, et leurs pensées. Ils n'offensent pas les êtres Nobles, entretiennent des vues justes, et obtiendront les mérites en conséquence. À la dissolution du corps, ils renaîtront dans les royaumes célestes.' Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Avec son esprit ainsi clair, dépassionné, irréprochable, défait de toute impureté, souple et malléable, stable et arrivé à l'imperturbabilité, il le dirige vers la connaissance de l'élimination complète des āsavās. Il réalise, conformément à la réalité 'Ceci est Dukkha, ceci est l'apparition de Dukkha, ceci est la cessation de Dukkha, ceci est le chemin qui mène à la cessation de Dukkha'. Ainsi connaissant, ainsi percevant, son esprit est délivré de la corruption du plaisir des sens, délivré de la corruption de la soif du devenir, délivré de l'ignorance. Ainsi délivré, il sait 'Je suis délivré' et il réalise, 'C'en est fini des renaissances, la vie brahmique a été menée, ce qui devait être fait a été fait, il n'y aura rien d'autre après cette vie.' Et pourquoi cela ? Parce qu'il complète parfaitement son entrainement dans l'Enseignement.
Le vénérable Bhaddāli demanda alors :
— Bhanté, quelle est la cause, quelle est la raison, pourquoi réprimandez-vous certain mendiants de manière répétée ? Et quelle est la cause, quelle est la raison, pourquoi ne réprimandez-vous pas certain mendiants de manière répétée ?
— Ici, Bhaddāli, un mendiant est un contrevenant, offensant constamment la communauté. Quand il est corrigé par les mendiants, il est évasif, il fuit la conversation, manifeste de la perturbation, de l'aversion et de l'amertume. Il n'agit pas de manière juste, il ne s'excuse pas, il ne dit pas 'J'agirai désormais de sorte que la Communauté soit satisfaite de moi'. Les mendiants, en connaissance de ce fait, pensent 'Il serait bon que les vénérables examinent la situation de ce mendiant avec soin'. Ainsi les mendiants examinent cette situation avec soin.
Mais ici, Bhaddāli, un mendiant est un contrevenant, offensant constamment la communauté. Quand il est corrigé par les mendiants, il n'est pas évasif, il ne fuit pas la conversation, ne manifeste pas de perturbation, d'aversion ni d'amertume. Il agit de manière juste, il s'excuse, il dit 'J'agirai désormais de sorte que la Communauté soit satisfaite de moi'. Les mendiants, en connaissance de ce fait, pensent 'Il serait bon que les vénérables examinent la situation de ce mendiant de manière brève'. Ainsi les mendiants examinent cette situation brièvement.
Et ici, Bhaddāli, un mendiant est un contrevenant occasionnel, offensant la communauté à de rares occasions. Quand il est corrigé par les mendiants, il est évasif, il fuit la conversation, manifeste de la perturbation, de l'aversion et de l'amertume. Il n'agit pas de manière juste, il ne s'excuse pas, il ne dit pas 'J'agirai désormais de sorte que la Communauté soit satisfaite de moi'. Les mendiants, en connaissance de ce fait, pensent 'Il serait bon que les vénérables examinent la situation de ce mendiant avec soin'. Ainsi les mendiants examinent cette situation avec soin.
Mais ici, Bhaddāli, un mendiant est un contrevenant occasionnel, offensant la communauté à de rares occasions. Quand il est corrigé par les mendiants, il n'est pas évasif, il ne fuit pas la conversation, ne manifeste pas de perturbation, d'aversion ni d'amertume. Il agit de manière juste, il s'excuse, il dit 'J'agirai désormais de sorte que la Communauté soit satisfaite de moi'. Les mendiants, en connaissance de ce fait, pensent 'Il serait bon que les vénérables examinent la situation de ce mendiant de manière brève'. Ainsi les mendiants examinent cette situation brièvement.
Ici, Bhaddāli, un mendiant pratique empli de conviction, empli d'amour{8}. Dans ce cas les mendiants considèrent ainsi 'Amis, ce mendiant pratique empli de conviction, empli d'amour. Qu'il ne perde pas cette pratique comme cela se pourrait si nous le réprimandions de manière insistante'. Supposons qu'un homme n'ait plus qu'un seul œil. Alors ses amis, ses compagnons, sa famille, feraient en sorte qu'il conserve cet œil en pensant 'Ne faisons rien qui puisse faire qu'il perde le seul œil qu'il lui reste'. De la même manière un mendiant pratique empli de conviction, empli d'amour. Dans ce cas les mendiants considèrent ainsi 'Amis, ce mendiant pratique empli de conviction, empli d'amour. Qu'il ne perde pas cette pratique comme cela se pourrait si nous le réprimandions de manière insistante'.
Ceci est la cause, ceci est la raison, voilà pourquoi nous réprimandons certains mendiants de manière répétée. Ceci est la cause, ceci est la raison, voilà pourquoi nous ne réprimandons pas certains mendiants de manière répétée.
— Bhanté, quelle est la cause, quelle est la raison, pourquoi y avait-il auparavant moins de règles et plus de mendiants bien établis dans la connaissance et la compréhension ?
Il en va ainsi, Bhaddāli. Quand les êtres se dégradent, le vrai Dhamma disparait, alors il y a de plus en plus de règles, et de moins en moins de mendiants bien établis dans la connaissance et la compréhension. Le Maître n'édicte pas certains préceptes d'entrainement pour les disciples tant que certaines choses qui sont la base de souillures ne se manifestent pas dans la Communauté. Mais quand certaines choses qui sont la base de souillures se manifestent dans la Communauté, le Maître édicte des préceptes d'entrainement pour les disciples afin d'écarter ces choses qui sont la base de souillures.
Ces choses, Bhaddāli, qui sont la base de souillures, ne se manifestent pas ici tant que la Communauté n'a pas atteint une certaine taille (un nombre important de mendiants). Mais quand la Communauté a atteint une certaine taille, alors ces choses qui sont la base de souillures se manifestent ici dans la Communauté, alors le Maître édicte des préceptes d'entrainement pour les disciples afin d'écarter ces choses qui sont la base de souillures. Ces choses qui sont la base de souillures, ne se manifestent pas ici tant que la Communauté a atteint le plus haut mérite, tant qu'il a atteint le plus haut rayonnement, tant qu'il a atteint le plus haut degré d'apprentissage, tant qu'il a atteint la plus haute renommée. Mais quand la Communauté atteint la plus haute renommée de longue date, alors ces choses qui sont la base de souillures commencent à se manifester dans la Communauté, et alors le Maître édicte des préceptes d'entrainement pour les disciples afin d'écarter ces choses qui sont la base de souillures.
Vous étiez encore peu, Bhaddāli, quand je vous ai enseigné la comparaison du pur-sang. T'en rappelles-tu ?
— Non, Bhanté.
— Pourquoi, Bhaddāli ?
— Car, Bhanté, depuis un long moment, je suis un de ceux qui ne complètent pas parfaitement leur entrainement dans l'Enseignement.
— Ce n'est pas, Bhaddāli, la seule cause, pas la seule raison. J'ai longtemps sondé ton esprit (citta), te connaissant ainsi 'Cet homme stupide n'écoute pas le Dhamma correctement exposé, il ne s'y engage pas, ne le prend pas en considération, il ne l'entend pas'. Pourtant, Bhaddāli, je vais t'exposer le Dhamma avec la comparaison du pur-sang. Alors écoute bien car je vais parler.
— Oui Bhanté. Répondit le vénérable Bhaddāli.
Le Bhagavā dit alors :
— Bhaddāli, suppose qu'un habile dresseur de chevaux acquière un jeune pur-sang. En premier lieu il le fait s'habituer au port de la bride. Alors que le poulain s'habitue à porter la bride, car c'est quelque chose qu'il n'avait jamais fait auparavant, il manifeste de l'inconfort, il lutte. Mais par l'entrainement, la répétition, le port progressif de la bride, il finit par devenir paisible et s'y habituer.
Une fois le poulain habitué à la bride, calme et paisible, le dresseur continuerait en le faisant s'habituer au port du harnais. Alors que le poulain s'habitue à porter le harnais, car c'est quelque chose qu'il n'avait jamais fait auparavant, il manifeste de l'inconfort, il lutte. Mais par l'entrainement, la répétition, le port progressif du harnais, il finit par devenir paisible et s'y habituer.
Une fois le poulain habitué au port du harnais, calme et paisible, le dresseur continuerait en le faisant trotter au pas, courir en cercle, en le faisant cabrer, courir au galop, courir à la charge, lui apprenant la marche royale, la marche noble, le faisant courir à la plus grande vitesse, la plus grande vivacité, la plus grande souplesse. Alors que le poulain s'y habitue, car c'est quelque chose qu'il n'avait jamais fait auparavant, il manifeste de l'inconfort, il lutte. Mais par l'entrainement, la répétition, il finit par devenir paisible et s'y habituer.
Une fois le poulain habitué, calme et paisible, le dresseur le récompense en le brossant et en le toilettant. Quand un bon pur-sang possède ces dix qualités, il est alors digne du roi, d'être au service du roi, d'être considéré comme au roi.
De la même manière Bhaddāli, quand un mendiant possède ces dix qualités, il est digne de dons, digne d'hospitalité, digne d'offrandes, digne de salutation, il est un champ inégalé de mérites pour le monde. Et quelles sont ces dix ?
Ici, Bhaddāli, un mendiant qui a complété son entrainement possède la vue correcte, l'aspiration correcte, la parole correcte, l'action correcte, les moyens d'existence corrects, l'effort correct, l'attention correcte, le samādhi correct, il possède la connaissance et la sagacité correctes, il est libéré correctement. Quand un mendiant, Bhaddāli, possède ces dix qualités, il est digne de dons, digne d'hospitalité, digne d'offrandes, digne de salutation, il est un champ inégalé de mérites pour le monde.
Telles furent les paroles du Bhagavā et le vénérable Bhaddāli s'en réjouit.
1. libéré des deux façons : Ubhatobhāgavimutto : Ubhato (deux voies) + bhāga (part) + vimutta (libération). Un mendiant libéré des deux façons : il connait la libération et il l'expérimente ici et maintenant, il n'éprouve pas le contact (phassa) avec le monde.
2. libéré par la sagacité : Un mendiant libéré par la sagacité (pañña) connait la libération, mais ne l'expérimente qu'en état d'absorption jhanique.
3. témoin du sentier par le corps : Kāyasakkhi : kāya (corps) + sakkhi (témoin). Un mendiant qui a déjà personnellement expérimenté la libération brièvement mais à qui il reste encore des efforts à faire pour se libérer totalement.
4. ayant la vue correcte : Diṭṭhippatto : Diṭṭhi (opinion, ici le dogme correct) + patta (atteint). Un mendiant qui a atteint la vue correcte et ne peut plus que progresser correctement sur le sentier.
5. libéré par la conviction : Saddhāvimutto : Libéré par saddhā, un mendiant qui par sa conviction en le Bouddha, le Dhamma et la Communauté est entré dans le courant et ne peut plus que progresser correctement sur le sentier.
6. agissant en conformité avec le dhamma : Dhammānusārī : Agissant en conformité stricte avec le Dhamma. Un tel mendiant est assuré d'entrer dans le courant et de ne progresser que correctement sur le sentier tant qu'il gardera cette conduite.
7. agissant en conformité avec la conviction : Saddhānusārī : Agissant en conformité avec saddhā. Un tel mendiant est assuré d'entrer dans le courant et de ne progresser que correctement sur le sentier tant qu'il conservera cette qualité.
8. empli d'amour : Il ne s'agit pas de mettā, l'amour bienveillant, mais bien de pema, l'amour, l'affection.