Mahavira, fondateur du jainisme, persuade un des ses disciples d'aller voir le Bouddha pour lui poser un dilemme qui lui semble insoluble, et ainsi essayer de nuire à sa réputation.
Un jour, le Fortuné visitait le Kosala, accompagné d'une grande Communauté de mendiants, et il arriva à Nālandā. Là, il s'installa à Nālandā, dans le bois de manguiers de Pavārika. Ce jour-là, Nālandā était frappée par la famine, c'était un temps de pénurie, les récoltes étaient blanchies par les maladies et s'étaient transformées en paille. Ce jour-là, Nigaṇṭha Nāṭaputta{1} séjournait à Nālandā avec un certain nombre de nigaṇṭhas. Asibandhakaputta le chef de village, un disciple des nigaṇṭhas vint voir Nigaṇṭha Nāṭaputta et, à son arrivée, lui ayant rendu hommage, s'assit d'un côté. Alors qu'il était assis là, Nigaṇṭha Nāṭaputta lui dit:
— Viens, chef de village. Réfute la parole de Samana Gotama, et alors cette bonne réputation se répandra à ton sujet: 'Les paroles de Samana Gotama, si puissantes, ont été réfutées par Asibandhakaputta le chef de village!'
— Mais comment, Bhanté, vais-je réfuter la parole de Samana Gotama, si puissante?
— Chef de village, vas voir Samana Gotama et demande lui: 'Bhanté, le Fortuné ne fait-il pas de diverses manières l'éloge de la sympathie vis-à-vis des familles, de la protection des familles, de la compassion envers les familles?' Si Samana Gotama répond à cette question: 'Oui, chef de village, le Tathagata fait de diverses manières l'éloge de la sympathie vis-à-vis des familles, de la protection des familles, de la compassion envers les familles', alors tu diras: 'Alors pourquoi, Bhanté, le Fortuné, accompagné d'une grande Communauté de mendiants, visite-t-il Nalanda à un moment où elle est frappée par la famine, dans un temps de pénurie, où les récoltes sont blanchies par les maladies et se sont transformées en paille? Le Fortuné pratique pour la ruine des familles, pour la mort des familles, pour la destruction des familles.' Lorsque tu poseras ce dilemme à Samana Gotama, il ne sera pas capable de le recracher ni de l'avaler.
— Oui, Bhanté, répondit Asibandhakaputta. Il se leva ensuite de son siège, se courba devant Nigaṇṭha Nāṭaputta, et en le conservant sur sa droite, il s'en alla et vint voir le Fortuné. A son arrivée, il lui rendit hommage puis s'assit d'un côté. Alors qu'il était assis là, il dit au Fortuné:
— Bhanté, le Fortuné ne fait-il pas de diverses manières l'éloge de la sympathie vis-à-vis des familles, de la protection des familles, de la compassion envers les familles?
— Oui, chef de village, le Tathagata fait de diverses manières l'éloge de la sympathie vis-à-vis des familles, de la protection des familles, de la compassion envers les familles.
— Alors pourquoi, Bhanté, le Fortuné, accompagné d'une grande Communauté de mendiants, visite-t-il Nalanda à un moment où elle est frappée par la famine, dans un temps de pénurie, où les récoltes sont blanchies par les maladies et se sont transformées en paille? Le Fortuné pratique pour la ruine des familles, pour la mort des familles, pour la destruction des familles.
Chef de village, mes souvenirs remontent à 91 éons, mais je ne me souviens d'aucune famille qui ait été détruite en donnant des aumônes de nourriture. Par contre, toutes les familles qui sont riches, ayant beaucoup de richesses et de propriétés, ayant beaucoup d'or et d'argent, ayant d'abondantes possessions et moyens de subsistance, en sont arrivées là par le don, par la véridicité, par la restreinte.
Il y a, chef de village, huit causes, huit raisons à la destruction des familles. Les familles vont à la destruction à cause des rois, ou à cause des voleurs, ou à cause du feu, ou à cause des inondations, ou parce que leur trésor amassé a disparu, ou parce que leurs entreprises mal gérées échouent, ou parce qu'il apparaît dans la famille un prodigue qui gaspille, dissipe et dilapide sa richesse, ou à cause de l'impermanence en huitième. Voici les huit causes, les huit raisons de la destruction des familles. Maintenant, lorsque ces huits causes sont présentes, si quelqu'un disait de moi: 'Le Fortuné pratique pour la ruine des familles, pour la mort des familles, pour la destruction des familles', sans abandonner cette affirmation, cette intention, sans abandonner cette opinion, alors selon ses mérites, il sera emporté comme s'il devait être placé en enfer.
Lorsque cela fut dit, Asibandhakaputta dit au Fortuné:
— Magnifique, Bhanté, Magnifique. Comme s'il avait redressé ce qui avait été renversé, révélé ce qui était caché, montré le chemin à celui qui se serait perdu, ou porté une lampe dans l'obscurité de sorte que ceux qui ont des yeux puissent voir les formes, de même le Fortuné a clarifié le Dhamma de différentes manières. Je prends refuge auprès du Fortuné, auprès du Dhamma, et auprès de la Communauté. Puisse le Fortuné se souvenir de moi comme d'un disciple laïc qui a pris refuge auprès de lui, à compter de ce jour et pour la vie.
1. Nigaṇṭha Nāṭaputta: Mahavira, fondateur du jainisme. Les nigaṇṭhas sont donc les jains.