[ yācana: requête ]
Juste après son éveil, Brahmā Sahampati visite le Bouddha pour le convaincre d'enseigner aux hommes.
Et le Bhagavā, à la fin de ces sept jours, sortit de son état de méditation, puis alla du pied de l'arbre
de Rājāyatana jusqu'à l'arbre Ajapāla. Lorsqu'il l'eut atteint, le Bouddha demeura là, au pied du ficus Ajapāla.
En cette occasion-là, alors qu'il était seul en isolement, la pensée suivante apparut dans l'esprit du Bhagavā:
'J'ai pénétré ce Dhamma qui est profond, difficile à percevoir et à comprendre, qui apporte la quiétude de l'esprit, qui est sublime, qui ne se trouve pas dans la sphère du raisonnement, subtil, intelligible seulement aux sages.'
'Les hommes, cependant, s'adonnent à l'attachement, sont décidés au ressentir, et s'y complaisent. Pour eux, qui s'adonnent à l'attachement, qui sont décidés au ressentir, et qui s'y complaisent, la loi de causalité et l'origination dépendante seront des sujets difficiles à comprendre. Il sera aussi pour eux très difficile de comprendre l'extinction de tous les saṅkhāras, l'abandon de toutes les acquisitions, la destruction de l'appétence, l'absence de passion, la cessation, Nibbāna. Si j'enseigne le Dhamma, et que les autres hommes ne sont pas capables de comprendre mon enseignement, il n'en résultera que fatigue et contrariété pour moi.' Alors les vers suivants, qui n'avaient jamais été entendus auparavant, vinrent au Bhagavā:
J'en ai assez maintenant d'essayer d'enseigner
Ce que j'ai découvert avec tant de difficulté.
Ce Dhamma n'est pas facile à comprendre pour ceux
Qui sont oppressés par l'avidité et l'aversion.
Ceux qui sont enflammés par l'avidité,
Enveloppés par l'obscurité ne verront pas
Ce Dhamma abstrus, profond, difficile à voir,
Subtil et allant à contre-courant.
Lorsque le Bhagavā considéra ces faits, son esprit s'inclina à rester tranquille, sans enseigner le Dhamma. Alors Brahmā Sahampati, comprenant par la puissance de son esprit les réflexions qui étaient apparues dans l'esprit du Bhagavā, pensa: 'Hélas, Le monde est en perte! Hélas, Le monde va périr, si l'esprit du Tathāgata, l'Arahant, le Bouddha pleinement réalisé, s'incline à rester tranquille, et à ne pas enseigner le Dhamma'.
Alors Brahmā Sahampati disparut du monde de Brahmā, et apparut en face du Bhagavā, aussi rapidement qu'un homme fort étirerait son bras plié, ou plierait son bras étiré. Brahmā Sahampati ajusta sa robe pour qu'elle couvre une épaule, et posant son genou droit au sol, il leva ses mains jointes vers le Bhagavā, et lui dit:
— Bhante, que le Bhagavā enseigne le Dhamma! Que celui qui est parfait enseigne le Dhamma! Il y a des êtres dont l'œil n'est aveuglé que par peu d'impuretés, mais s'ils n'entendent pas le Dhamma, ils s'en détacheront. Il y en aura qui comprendront le Dhamma.
Ainsi parla Brahmā Sahampati. Et ayant dit cela, il continua:
Dans le passé est apparu parmi les Magadhans
Un Dhamma impur conçu par des hommes souillés.
Ouvrez les portes du Sans-mort,{1} laissez-les
Entendre le Dhamma découvert par le sans-tache.
Tel un homme se dressant sur un pic montagneux
Voyant ceux qui se trouvent partout en contrebas,
O sage, ayant atteint le haut palais du Dhamma,
Étant vous-même libéré du chagrin, voyez ceux qui sont
Pris de chagrin, opprimés par naissance et vieillissement.
Levez-vous, ô héros, victorieux dans la bataille!
O meneur de caravane, qui êtes libéré de toute dette,
Parcourez le monde, enseignez le Dhamma, ô Bhagava:
Il y en aura qui comprendont.
Alors le Bhagavā, ayant compris la requête de Brahmā, regarda le monde par compassion envers les êtres vivants, avec ses yeux [percevant tout] de Bouddha. Et le Bhagavā, regardant le monde avec ses yeux de Bouddha, vit des êtres dont l'œil n'était aveuglé que par peu d'impuretés, et des êtres dont l'œil était aveuglé par beaucoup d'impuretés, des êtres aux sens aiguisés et des êtres aux sens émoussés, des êtres de bonne disposition et de mauvaise disposition, desêtres faciles à instruires et difficiles à instruire, certains d'entre eux voyant les dangers des vies futures et des mauvaises actions.
Tout comme dans une mare de lotus bleus, rouges ou blancs, certains lotus, nés dans l'eau, ayant grandi dans l'eau, n'émergent pas hors de l'eau mais fleurissent submergés sous l'eau; d'autres lotus , nés dans l'eau, ayant grandi dans l'eau, atteignent la surface de l'eau; et d'autres lotus, nés dans l'eau, ayant grandi dans l'eau, se dressent au-dessus de l'eau, sans plus être atteints par l'eau; de la même manière, regardant ainsi le monde avec ses yeux de Bouddha, il vit des êtres dont les yeux mentaux n'étaient aveuglés que par peu d'impuretés, et des êtres dont les yeux mentaux étaient aveuglés par beaucoup d'impuretés, des êtres aux sens aiguisés et des êtres aux sens émoussés, de bonne disposition et de mauvaise disposition, faciles à instruires et difficiles à instruire, certains d'entre eux voyant les dangers des vies futures et des mauvaises actions. Et lorsqu'il les eut vus ainsi, il s'adressa à Brahmā Sahampati dans les vers suivants:
Ouvertes sont les portes du Sans-mort
A ceux qui ont des oreilles pour entendre.
Qu'ils génèrent la foi de le rencontrer.
Rebuté par les difficultés, ô Brahma, j'ai omis
D'exposer aux hommes le Dhamma sublime et raffiné.
Alors Brahmā Sahampati comprit: 'Le Bhagavā exauce ma requête, il va enseigner le Dhamma.' Ayant rendu hommage au Bhagavā, il tourna autour de lui, en gardant son côté droit vers lui. Puis il disparut instantanément.
SUITE
Note
avec le support du travail effectué par T. W. Rhys Davids et Hermann Oldenberg.
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